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Hommage au grand Bourguiba

en son jour-anniversaire

 

par Raouf Ben Rejeb

3 août 2024

 

Il y a 121 ans (peut-être 124 selon certains biographes) naissait à Monastir Habib Bourguiba, un homme d'une trempe exceptionnelle qui a changé le cours de l'histoire dans son pays, dans la région et même dans le monde. Comme tous les humains il a ses qualités et ses défauts. Il fut certes un narcissique, un egocentrique, mais prétendre qu’il fut un dictateur est une contrevérité. Sous Bourguiba, la gauche a été brimée mais a connu ses meilleurs jours et ses leaders les plus remarquables. Lui, président a été créé la première Ligue de défense des droits de l’Homme en Afrique et dans le monde arabe. La presse n’a pas été muselée comme on le prétend, souvenez-vous que des journaux comme Arraï, Démocratie, le Phare avaient pignon sur rue, et même Assabah se permettait certains écarts dont on ne lui tenait pas rigueur. On accuse Bourguiba d’avoir fait assassiner Salah Ben Youssef, qui fut son second et son alter ego mais remettons-nous à l’ère de l’époque où il était de bon ton d’être le chantre de l’arabisme stérile et où les coups d’état donnaient le tournis, balayant la stabilité naissante de nouveaux Etats sans laquelle aucun développement n’était possible. Bourguiba a combattu sans conteste l’islamisme à partir du prisme moderniste mais il n’a jamais été contre l’Islam bien au contraire, il considérait l’Islam comme une composante essentielle de l’identité tunisienne et n’a eu de cesse par ses sermons du haut de la tribune de mosquées célèbres comme la Zitouna ou Oqba à Kairouan de prôner un Islam de tolérance et d’ouverture. D’ailleurs c’est le PSD, le parti de Bourguiba qui a favorisé la naissance de la Jamaa ilsmaya devenu le mouvement de la Tendance islamique (MTI) avant de se rendre compte de son erreur, mais il était trop tard.

Venons-en aux qualités de l’homme exceptionnel qu’il était. Bourguiba fut sans conteste un grand visionnaire, qui a mis la Tunisie sur les rails du bien-être, du développement et la modernité effective. Grâce à l’école de la République implantée partout y compris dans les contrées les plus reculées, il a façonné des générations de Tunisiens qui n’ont rien à voir avec les parents. Grâce à cet ascenseur social que fut l’école, une large classe moyenne a émergé mettant la Tunisie au diapason de son siècle. Bourguiba a misé sur la femme et il n’a pas été déçu. La femme éduquée a changé le visage de la Tunisie. Retenue plus longtemps à l’école, au lycée et à la faculté, la Tunisienne a fait moins d’enfants permettant au pays d’atteindre la transition démographique de sorte que la population a triplé depuis l’indépendance quand ses voisins ont vu leur population plus que quadrupler. Sans grandes ressources naturelles la Tunisie jouit du produit national brut per capita le plus élevé de sa région.

Le plus grand mérite de Bourguiba fut de donner à la Tunisie une dimension internationale de loin plus large que sa taille ou le nombre de sa population. La voix de la Tunisie dans le concert des nations était appréciée et écoutée. Ayant fait le choix du camp de la liberté et du non alignement, la diplomatie tunisienne servie par de grands patriotes, hommes et femmes, sous la férule de Bourguiba et suivant ses recommandations a donné lieu à une école tunisienne dont on tire une immense fierté à y appartenir. Encore aujourd’hui on se réfère aux choix qu’aurait fait Bourguiba et aux options qu’il aurait prôné car ce fut sous sa direction zéro faute, y compris sur les sujets les plus ardus. Lorsque l’on voit autour de nous, les problèmes générés par la question des frontières, on ne peut que lui être reconnaissant d’avoir réglé de son vivant les contentieux frontaliers avec nos voisins d’ouest, du sud comme du nord. Ce ne sont pas des arpents de sable inhabités qui vont entraver les relations fraternelles entre la Tunisie et l’Algérie avait dit Bourguiba en 1970 au ministre algérien des Affaires étrangères de l’époque Abdelaziz Bouteflika venu revendiquer le triangle saharien de la borne 233 dont l’évacuation a été le théâtre d’âpres combats au même titre que la Base de Bizerte. Avec l’Algérie, une frontière de plus de mille kilomètres est complètement bornée de Tabarka à Bir Romana depuis 1995 et enregistrée auprès de l’Organisation des nations unies. Ce fut de même avec la Libye malgré les humeurs changeantes de Mouammar Kadhafi qui avait une dent contre Bourguiba pour avoir pris ses distances avec le projet de fusion des deux pays fruit de l’accord de Djerba de janvier 1974 sous la forme de la République Arabe Islamique (une dénomination qui était en contradiction de la politique de Bourguiba pour qui il n’y a pas de Nation arabe comme il n’y a pas une Oumma Islamique véritable comme il l’a expliqué en long et en large dans son célèbre discours du Palmarium). Il a fallu pour régler le contentieux avec la Libye passer par la Cour internationale de Justice, un jugement accepté par la Tunisie bien qu’il fut en sa défaveur.

Si la Tunisie a su surmonter toutes ses crises-il y en a eu en 1978 avec le conflit avec l’UGTT et en 1984 avec les émeutes du pain- et si elle a pu éviter de tomber dans l’abime lors de la révolte de l’hiver 2010-11 et rester debout pendant l’ère de tous les dangers de 2011 à nos jours, c’est essentiellement grâce au legs et à l’héritage laissé par Bourguiba qui en changeant les mentalités a renforcé les défenses intrinsèques des Tunisiens leur garantissant une capacité de résilience qui ne s’est jamais démentie.

Il ne fait de doute que Bourguiba a façonné la Tunisie et celle-ci lui sera éternellement reconnaissante. Il était de la trempe des Grands Hommes qui ont laissé leur trace dans l’Histoire. Il a sa place dans le Panthéon des Grands leaders du 20ème siècle. Plus connu que le pays dont il était le porte-drapeau, il a fait de la Tunisie une nation parmi les grandes nations.

 

 

N’eut été la tâche, malheureusement indélébile, de la présidence à vie qui n’était pas conforme à l’esprit bourguibien, la Tunisie aurait appris l’alternance au pouvoir qui lui aurait épargné les soubresauts qu’elle a dû affronter plus tard.

 

Grand homme Bourguiba n’en fut pas homme surtout qu’il a considéré que lui et la Tunisie n’en faisait qu’un, alors que lui est lui et elle est elle, qui compte par-dessus les hommes et les femmes fussent ils ou elles de la trempe des Grands.

Bref rappel historique:

 

La Tunisie post-Révolution

 

 

Le 17 décembre 2010, un climat insurrectionnel éclate à la suite de l'immolation d'un jeune vendeur de fruits et légumes ambulant, Mohamed Bouazizi, dans la région de Sidi Bouzid.

 

Mohammed Bouazizi

 

Celle-ci devient le théâtre d'émeutes et d'affrontements meurtriers entre habitants et forces de l'ordre. C'est le début du mouvement que l'on va appeler Printemps arabe.

 

 

Ces événements, qui s'étendent ensuite à d'autres régions du pays, s'inscrivent dans un contexte où le taux de chômage des jeunes diplômés est particulièrement élevé alors que le poids démographique relatif des jeunes générations d'actifs atteint son maximum historique.

 

 

Les causes sont également politiques : le président Ben Ali et sa famille, notamment celle de sa seconde épouse Leïla, les Trabelsi, qualifiés selon les observateurs de « clan quasi-mafieux », sont directement mis en cause dans des affaires de corruption, de détournement ou de vol, fléaux qui ont particulièrement pris de l'ampleur sous sa présidence.

 

Ben Ali, son épouse et en arrière plan son gendre Sakher El Matri

 

 

Le 13 janvier 2011, Ben Ali annonce la prise de mesures extraordinaires lors d'une intervention télévisée : la promesse d'une pleine liberté de la presse et d'expression politique ainsi que son refus de se représenter aux élections prévues en 2014.

 

Ben Ali au chevet du martyr Mohamed Bouazizi.

 

Cependant, cette allocution ne contribue pas à calmer la colère de la population, contraignant le président à céder finalement le pouvoir à son Premier ministre Mohamed Ghannouchi le lendemain et à quitter le pays le soir même.

 

 

 

 

 

Conformément à la Constitution de 1959, le président de la Chambre des députés, Fouad Mebazaa, est finalement proclamé président par intérim par le Conseil constitutionnel le 15 janvier.

Il est chargé d'organiser des élections présidentielles dans les soixante jours.

 

Fouad Mebazaa, président par intérim

 

Le 17 janvier, un « gouvernement d'union nationale » de 24 membres incluant des opposants au régime déchu (dont trois chefs de l'opposition légale) est constitué. Le jour même, la libération de tous les prisonniers d'opinion, la levée de l'interdiction d'activité de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, « la liberté totale de l'information » ainsi que la légalisation de tous les partis politiques et associations qui le demanderaient, est annoncée.

 

Cependant, la présence de membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) à des postes clés provoque de nouveau, en moins de 24 heures, la colère de la population et la démission de plusieurs ministres d'opposition, fragilisant d'autant plus ce gouvernement. Le départ ou la radiation du RCD de plusieurs personnalités éminentes n'ont aucun effet sur la suspicion que l'opinion publique entretient à l'égard de l'ancien parti présidentiel, dont plusieurs manifestants réclament la dissolution.

 

Cependant, le 20 janvier, les ministres encore affiliés à cette formation annoncent l'avoir quitté eux aussi. Face à la pression de la rue exigeant leur départ, un remaniement ministériel a lieu le 27 janvier, écartant définitivement (hormis Mohamed Ghannouchi) les anciens membres du RCD de toutes responsabilités gouvernementales.

 

Mohamed Ghannouchi, ancien premier ministre

 

Le 6 février, le ministre de l'Intérieur Farhat Rajhi gèle les activités du RCD en attendant sa dissolution juridique, tandis que le Parlement confère au président par intérim des pouvoirs supplémentaires, comme celui de dissoudre le Parlement.

 

Farhat Rajhi , ancien ministre de l'Intérieur

 

Ghannouchi est cependant contraint de démissionner à son tour le 27 février à la suite de plusieurs jours de manifestations marquées par des violences ; il est remplacé le jour même par l'ancien ministre de Bourguiba, Béji Caïd Essebsi. L'état d'urgence, en vigueur à partir de janvier 2011, est maintenu.

 

Béji Caïd Essebsi, chef du gouvernement

 

 

Le 15 septembre 2012, de violentes émeutes éclatent à Tunis à la suite de la diffusion du film L'Innocence des musulmans. Alors que les forces de l'ordre restent passives, certains groupes salafistes prennent d'assaut l'ambassade des États-Unis et l'incendient, détruisant plusieurs véhicules et bâtiments.

 

Mis sous pression par les États-Unis, le gouvernement décide de réagir et envoie l'armée et la garde présidentielle pour repousser les manifestants. Les affrontements font deux morts et plusieurs blessés.

 

Dans les mois qui suivent, l'armée et la garde nationale prennent la relève pour combattre les groupuscules salafistes et djihadistes qui sont actifs sur le territoire. L'état d'urgence est prolongé de trois mois en novembre 2012, pour n'être finalement levé qu'en mars 2014.

Après les élections législatives du 26 octobre 2014, qui voit le parti Nidaa Tounes arriver en tête, l'Assemblée des représentants du peuple remplace l'Assemblée constituante.

Le premier tour de l'élection présidentielle a lieu le 23 novembre et voit s'affronter 27 candidats dont deux, en la personne de Béji Caïd Essebsi (Nidaa Tounes) avec 39,46 % des voix et Moncef Marzouki avec 33,43 % des voix, sont qualifiés pour le second tour organisé le 21 décembre et qui permet à Caïd Essebsi de remporter le scrutin avec 55,68 % des voix contre 44,32 % des voix pour Marzouki et de devenir ainsi le premier président issu d'une élection démocratique et transparente.

 

Béji Caïd Essebsi, élu Président de la République le 21 déc. 2014

 

Moncef Marzouki, challenger de Béji Caïd Essebsi

au second tour des élections présidentielles du 21 déc. 2014

 

Le quartet du dialogue national, association de quatre organisations s'étant donné pour but d'organiser des négociations entre les partis politiques tunisiens pour assurer la transition vers un régime démocratique permanent, obtient le prix Nobel de la paix 2015. Ce prix est le premier Nobel attribué à un ressortissant ou organisation de la Tunisie après son indépendance.

 

Le quartet du dialogue national après avoir reçu le prix Nobel de la paix 2015

 

Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, exprime sa joie et félicite le quartet tout en affirmant que ce prix est dédié à tous les Tunisiens qui ont commencé le Printemps arabe. François Hollande, président de la République française, affirme dans un communiqué que le prix prouve le succès de la transition démocratique en Tunisie, que ce pays est sur la bonne voie et qu'il est le seul parmi les pays du Printemps arabe à réussir son évolution transitoire vers la démocratie.

En 2017 et 2018, le pays est touché par des vagues de contestation de la jeunesse tunisienne qui manifeste dans plusieurs villes du pays. En effet, à partir du début du mois, à Tunis, Gabès, Thala, Jilma, Kasserine, Sidi Bouzid, ou encore Gafsa, des Tunisiens expriment leur ras le bol face à la cherté de la vie, l'inflation (6,4 % en 2017) et un chômage omniprésent (15 % de la population active et 30 % des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur). Cette vague de contestation contre une politique d'austérité économique serait organisée par le Front populaire. Les heurts avec les policiers et forces de l'ordre font une victime et plusieurs blessés, et des centaines de manifestants sont arrêtés. L'Observatoire social tunisien recense 5 000 mouvements de protestation en 2015, plus de 11 000 en 2017 et 4 500 pour les quatre premiers mois de 2018.

Depuis 2011, les gouvernements successifs ont fait appel au Fonds monétaire international (FMI) pour tenter de redresser la situation économique du pays. Un prêt de 1,74 milliard de dollars est accordé en juin 2013, puis un second de 2,9 milliards de dollars en 2016. Le FMI n'accorde toutefois ces prêts qu'en contrepartie d'un plan de réformes libérales, telles que l'augmentation de certains impôts, la réduction de la masse salariale dans la fonction publique, la réduction des subventions sur les prix des carburants, ou encore de la modification du système de retraite. En avril 2016, le gouvernement accepte le principe de l'indépendance de la banque centrale, donnant la priorité au contrôle de l'inflation sur le soutien au développement économique. Depuis le printemps 2017, elle laisse filer le dinar, dont la valeur face à l'euro baisse de près de moitié. Face au poids de la dette, l'État doit consacrer plus de 20 % de son budget à rembourser ses créanciers, ce qui neutralise ses capacités d'investissement.

Le président Béji Caïd Essebsi meurt le 25 juillet 2019, à 92 ans. Fin 2019, un double scrutin, législatif le 6 octobre, et présidentiel, avec un premier tour en septembre et le second tour le 13 octobre, se déroule sans heurts, montrant une certaine maturité de la démocratie électorale en Tunisie. Les élections législatives aboutissent cependant à une assemblée fragmentée entre diverses formations.

 

L'élection présidentielle propulse à la tête de l'État un nouveau venu dans le monde politique, un juriste et universitaire spécialiste du droit constitutionnel, âgé de 61 ans, Kaïs Saïed, élu avec une confortable avance face, au second tour, à l'homme d'affaires Nabil Karoui.

 

Kais Saied élu Président de la République le 13 octobre 2019

 

Nabil Karoui, challenger de Kais Saied

au 2e tour des élections présidentielles d'octobre 2019

 

Kaïs Saïed propose durant sa campagne une vison associant un certain conservatisme moral et religieux, un souverainisme, et un mode de fonctionnement démocratique à rebours de l'organisation centralisée bourguibienne.

 

Articles précédents:

- La Tunisie durant la période punique

- La Tunisie durant la période romaine

- La Tunisie durant la période chrétienne

- La Tunisie durant la période arabo-musulmane, de la conquête arabe jusqu’à la veille du protectorat français

- La période du protectorat français

- La Tunisie durant la période bourguibienne

- La Tunisie durant l’ère Ben Ali

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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