Tunis la capitale
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Tunis est la ville la plus peuplée et la capitale de la Tunisie. Elle est aussi le chef-lieu du gouvernorat du même nom depuis sa création en 1956.
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Médina de Tunis
Située au nord du pays, au fond du golfe de Tunis dont elle est séparée par le lac de Tunis, la cité s'étend sur la plaine côtière et les collines avoisinantes.
Médina de Tunis
Son cœur historique est la médina, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Fondée en 698 autour du noyau initial de la mosquée Zitouna, la Médina développe son tissu urbain tout au long du Moyen Âge, vers le nord et vers le sud, se divisant ainsi en une médina principale et en deux faubourgs au nord (Bab Souika)
Bab Souika
et au sud (Bab El Jazira).
Devenue capitale d'un puissant royaume à l'époque hafside, foyer religieux et intellectuel et grand centre économique ouvert sur le Proche-Orient, le Maghreb, l'Afrique et l'Europe, elle se dote de nombreux monuments où se mêlent les styles de l'Ifriqiya aux influences andalouses et orientales mais qui empruntent également certaines de leurs colonnes ou leurs chapiteaux aux monuments romains ou byzantins.
Bourgade modeste placée dans l'ombre de Carthage, Kairouan puis Mahdia, Tunis est finalement désignée comme capitale le 20 septembre 1159, sous l'impulsion des Almohades, puis confirmée dans son statut sous la dynastie des Hafsides en 1228 et à l'indépendance du pays le 20 mars 1956.
Tunis est la capitale économique et commerciale de la Tunisie. La densité de son réseau routier, autoroutier et sa structure aéroportuaire en font un point de convergence pour les transports nationaux.
Cette situation est issue d'une longue évolution, en particulier des conceptions centralisatrices qui donnent un rôle considérable à la capitale et tendent à y concentrer à l'extrême les institutions.
En 2014, la population de la municipalité de Tunis intra-muros est de 638 845 habitants d'après le recensement de l'Institut national de la statistique.
Néanmoins, au cours du xxe siècle, l'agglomération s'est largement développée hors des limites de la municipalité, s'étendant sur quatre gouvernorats, Tunis, l'Ariana, Ben Arous et La Manouba.
Le Grand Tunis compte 2 643 695 habitants en 2014, soit environ 24 % de la population du pays. En 2017, Tunis est classée comme la cinquième ville arabe où il fait bon vivre.
Étymologie
Selon Paul Sebag, « Tunis » est la transcription française d'un nom qui se prononce tûnus, tûnas ou tûnis (û ayant la valeur du « ou » français) en arabe tunisien. Les trois vocables sont indiqués par le géographe syrien Yaqout al-Rumi dans son ouvrage Mu'jam al-Bûldan (Dictionnaire des pays) ; le dernier est celui qui prédomine dans le nom de la ville de même que dans le gentilé tûnisi ou tûnusi (tunisien). Ce vocable, issu du verbe ens en berbère, se définit comme « être couché » ou « se coucher » et par extension « aller passer la nuit à », « arriver de manière à passer la nuit », « aller passer la nuit chez ». Parmi les très nombreux dérivés de ce terme, on trouve tinés (pluriel de ténésé) indiquant « le fait d'être couché » et par extension le « fait de passer la nuit ».
Compte tenu des variations vocaliques dans le temps et l'espace, le nom de Tunis a donc très probablement le sens de « campement de nuit », « bivouac » ou « halte ». Dans la toponymie antique de l'Afrique romaine, on note également les noms proches des localités de Tuniza (actuelle El Kala), Thunusuda (actuelle Sidi Meskine), Thinissut (actuelle Bir Bouregba), Thunisa (actuelle Ras Jebel) ou Cartennæ (actuelle Ténès en Algérie). Toutes ces localités berbères se situaient sur des voies romaines et ont sans doute servi de relais ou de halte. Du nom de Tunis est dérivé en français le terme « Tunisie » qui désigne le pays dont cette ville est la capitale. Ce nom est lancé par des géographes et historiens français par analogie avec le mot « Algérie » forgé à partir d'Alger. Ce mot s'est depuis répandu dans toutes les langues européennes. Or, le terme Tunes désignant à la fois la ville et le pays, il ne peut être clairement compris que lu dans son contexte : c'est donc le sens de la phrase qui permet de savoir si l'on parle de la Tunisie ou de Tunis.
D'autres explications existent sur l'origine du nom de Tunis : il dériverait du terme berbère Tinast qui pourrait signifier « clé de la fertilité », en référence à la fertilité du territoire.
D'autres le lient à la déesse punique Tanit, étant donné que plusieurs anciennes cités étaient nommées d'après une divinité. On mentionne par ailleurs que le nom proviendrait de Tynes, ville mentionnée par Diodore de Sicile et Polybe dans leurs descriptions.
Géographie
Site
La ville de Tunis est construite sur un ensemble de collines, culminant à quarante mètres d'altitude et descendant en pente douce vers le lac de Tunis mais présentant un versant abrupt dans la direction opposée (au-dessus de la sebkha Séjoumi). Ces collines, qui font suite aux coteaux de l'Ariana et correspondant aux lieux-dits Notre-Dame de Tunis, Ras Tabia, La Rabta, La Kasbah, Montfleury et La Manoubia, ont des altitudes qui dépassent à peine 50 mètres.
La ville naît, à une époque reculée, au carrefour de routes qui se constituent naturellement à travers l'étroite bande de terre resserrée entre les vastes cuvettes du lac de Tunis et du Séjoumi. L'isthme qui les sépare constitue ce que les géologues appellent le « dôme de Tunis », lequel comprend des collines de roches calcaires et de sédiments d'origine éolienne et lacustre. C'est une sorte de pont naturel par où passent, dès l'Antiquité, plusieurs routes importantes reliant la Berbérie à l'Égypte et dont le tronçon tunisien passe par Utique et Hadrumète (actuelle ville de Sousse) . La deuxième route est celle de Béja qui longe la Medjerda et rejoint à Tunis la route d'Utique. La troisième est la route de Sicca (Le Kef actuellement) qui met la Numidie en communication avec Hadrumète. Ces routes sont évidemment tributaires de Carthage quand celle-ci affirme sa primauté politique et économique en Afrique. Sur ces parcours routiers, les courants de trafic ont favorisé la naissance de relais et d'étapes parmi lesquelles Tunis.
Sur une superficie de 300 000 hectares, 30 000 sont urbanisés, le restant se partageant entre des plans d'eau (20 000 hectares de lagunes ou de sebkhas dont les plus importantes sont le lac de Tunis, la sebkha Ariana et la sebkha Sejoumi) et des espaces agricoles ou naturels (250 000 hectares). Toutefois, la croissance urbaine, qui est évaluée à 500 hectares par an, se fait au détriment de cet espace. Elle est d'autant plus coûteuse qu'elle consomme les terres de plaines les plus intéressantes pour les cultures.
Climat
Le climat tunisois appartient au climat méditerranéen caractérisé par une saison fraîche et pluvieuse et une saison chaude et sèche. Il doit ses traits essentiels à la latitude de la ville, à l'influence modératrice de la Méditerranée et au relief du Tell septentrional.
L'hiver est la saison la plus humide de l'année : il tombe ainsi plus du tiers des précipitations annuelles au cours de cette période, ce qui représente un jour de pluie tous les deux ou trois jours. L'ensoleillement entretient tout de même une certaine douceur : les températures évoluent en moyenne entre 7 °C le matin et 16 °C l'après-midi. Les gelées sont donc très rares. Au printemps, il tombe moins de pluie : le cumul des précipitations diminue ainsi de moitié. L'ensoleillement devient prépondérant au fil des mois pour atteindre près de dix heures en moyenne par jour au mois de mai. Les températures s'en ressentent, variant en mars entre 8 et 18 °C, en mai entre 13 et 24 °C. En été, la pluie se fait totalement absente et l'ensoleillement maximum. Les valeurs moyennes des températures sont très élevées. Les brises marines atténuent la chaleur mais le sirocco renverse parfois la tendance. En automne, il se remet à pleuvoir, souvent à l'occasion d'orages brefs, ce qui peut parfois favoriser de rapides crues voire des inondations dans certains quartiers de la ville: celles de 2007, aggravées par une urbanisation trop rapide, ont conduit à réviser la politique d'aménagement. Le mois de novembre marque en général une coupure thermique avec des températures qui évoluent en moyenne entre 11 et 20 °C.
Géographie administrative
La métropole de Tunis, dont la superficie a beaucoup augmenté au cours de la seconde moitié du XXe siècle, s'étend maintenant sur plusieurs gouvernorats : le gouvernorat de Tunis accueille une minorité de la population de l'agglomération tandis que la banlieue s'étend sur les gouvernorats de Ben Arous, de l'Ariana et de La Manouba.
La municipalité de Tunis est divisée en quinze arrondissements municipaux : Bab El Bhar, Bab Souika, Cité El Khadra, Djebel Jelloud, El Kabaria, El Menzah, El Omrane, El Omrane supérieur, El Ouardia, Ettahrir, Ezzouhour, Hraïria, Médina, Séjoumi et Sidi El Béchir.
Histoire
Origines
La naissance de Carthage est, à quelque chose près, de même nature que celle de Tunis, Carthage étant liée à la route maritime qui relie Tyr et Sidon aux colonnes d'Hercule. Bien avant la fondation de la cité, les marins phéniciens fréquentent les côtes de Libye où ils établissent des relais et des comptoirs dont quelques-uns comme Utique, Hadrumète, Oea (actuelle Tripoli) sont antérieurs à Carthage.
L'emplacement où devait s'élever la future rivale de Rome sert d'abord de relais aux navigateurs phéniciens mais sa situation au bord du golfe de Tunis et d'autres avantages contribuent à retenir les Tyriens sur cet emplacement.
Le choix du site de Carthage comme celui de Tunis, en tant que future capitale de l'Ifriqiya, s'est imposé aux hommes par leur position-clé résultant de la proximité de la mer, de la salubrité du climat et des régions fertiles qui les environnent : plaines de la Medjerda, de l'oued Miliane et du Cap-Bon.
Comme Carthage, Tunis est à peu près à égale distance des principaux ports du bassin méditerranéen et non loin du canal de Sicile, de grande importance stratégique et commerciale, qui met en communication les bassins oriental et occidental de la mer Méditerranée, dont la Tunisie forme le trait d'union naturel.
La position de Carthage-Tunis correspond si bien aux conditions politiques et économiques exigées pour la domination du pays, que les tentatives qui se sont produites au cours des siècles, en d'autres endroits, pour ériger une capitale ont abouti à des échecs : la fondation d'Utique comme chef-lieu de la province romaine d'Afrique après la destruction de Carthage, la fondation de Kairouan en 670 dans une plaine steppique à l'écart des grandes voies terrestres et maritimes de transit même si elle connaîtra un rayonnement politique et culturel considérable s'étendant à toute l'Afrique du Nord, la fondation de Mahdia et la création de Al-Mansuriya, près de Kairouan, qui connaît pendant un siècle.
Antiquité
Bourgade punique
Carthage, à l'abri de ses hautes murailles, porte durant les premiers siècles de son existence toute son activité en Méditerranée en créant un vaste empire maritime et colonial dont ses habitants tirent profit, puissance et prestige. Entre 480 et 450 av. J.-C., après des guerres victorieuses contre les Libyens, elle cesse de payer le tribut auquel les Maxitani (Berbères) l'avaient contrainte à sa fondation et juge utile de conquérir un territoire assez vaste pour en tirer de nouvelles garanties de sécurité et de prospérité. Elle annexe une grande partie de leur territoire qu'elle met en valeur par une exploitation agricole rationnelle.
Marché central de Tunis
Tunis est l'une des premières cités libyennes à passer sous la domination carthaginoise étant donné son voisinage avec la grande cité et sa position stratégique : elle commande un nœud de routes commerciales et militaires et, bien fortifiée, elle peut même couvrir Carthage en cas d'attaque venant du continent. Il s'agit alors probablement d'un petit groupement de huttes en pierres sèches recouvertes de branchages et il est probable que ses habitants se livraient au troc avec les voyageurs de passage.
Marché central de Tunis
C'est pourquoi les stratèges puniques la font ceindre de murailles et d'ouvrages défensifs, caractère qu'elle gardera jusqu'à la chute de Carthage puisque Polybe, qui la voit au moment où Scipion l'Africain assiège Carthage, indique que « Tunes est bien défendue par la nature et l'ouvrage des hommes », ce que confirme Tite-Live.
Marché central de Tunis
Elle est d'ailleurs si bien défendue que, tout au long de l'histoire de Carthage, elle sera souvent conquise par les ennemis de la grande cité punique. Diodore de Sicile indique qu'en 396 av. J.-C., les Libyens se révoltent et, au nombre de 200 000, s'emparent d'abord de Tunis. Perchée sur sa colline, Tunis est un excellent observatoire d'où ils peuvent suivre aisément les manifestations extérieures de la vie de Carthage (allées et venues des navires ou des caravanes vers l'intérieur du pays). Ils bloquent ensuite Carthage mais doivent lever le siège, faute d'entente entre eux et de moyens militaires suffisants.
Marché central de Tunis
Occupation grecque
Durant l'expédition d'Agathocle de Syracuse, qui débarque en 310 av. J.-C. au Cap-Bon (dont les cultures font l'admiration de l'armée grecque), Tunis change de main à plusieurs reprises. Les Grecs s'emparent de la cité et établissent leur camp dans son voisinage d'où ils menacent Carthage.
Marché central de Tunis
Mais pendant qu'Agathocle part assiéger Hadrumète, les Carthaginois prennent le camp grec et commencent le siège de Tunis où les Grecs s'étaient enfermés. Agathocle en apprenant la défaite de ses troupes, revient en hâte et oblige les Carthaginois à lever le siège. Pendant près de trois ans, Tunis reste entre l'une des bases d'opérations grecques durant leur campagne africaine.
Marché central de Tunis
De là, ils peuvent surveiller Carthage. Toutefois, après des revers, Agathocle laisse la cité à ses deux fils pour chercher des renforts en Sicile. Il revient avec des troupes nouvelles pour continuer la lutte contre Carthage. Il peut ainsi, selon Diodore de Sicile, réunir près de 22 000 hommes, dont 10 000 Libyens, 1 500 cavaliers et plusieurs milliers de chars. Mais au cours d'une bataille qu'il livre dans la région de Tunis, il est vaincu par les Carthaginois. Agathocle fuit durant la nuit pour la Sicile en abandonnant ses deux fils et ses troupes. Celles-ci se révoltent et, après avoir massacré les fils d'Agathocle, négocient avec Carthage pour évacuer Tunis et les principales villes restées entre leurs mains.
Marché central de Tunis
Guerres puniques
Première guerre punique
À l'exemple d'Agathocle de Syracuse, les Romains portent les hostilités en Afrique du Nord (256 av. J.-C.) au cours de la première guerre punique. Commandés par Marcus Atilius Regulus, les Romains débarquent à Clupea (actuelle Kélibia) et ravagent les villes et les riches campagnes du Cap-Bon. Après leur victoire d'Adyn (Oudna), ils s'emparent de Tunis où ils établissent leur camp. De là, ils menacent Carthage à l'abri de ses remparts mais manquant de généraux capables de vaincre les Romains.
Marché central de Tunis
Cependant, le Sénat de Carthage confie le commandement de l'armée punique à un aventurier spartiate dénommé Xanthippe qui inflige une lourde défaite à Regulus, lequel est fait prisonnier et ramené à Carthage avec ses principaux officiers tous relâchés sur parole. La guerre reprend en Sicile et sera perdue par les Carthaginois qui devront évacuer pour toujours l'île.
Avenue Habib Bourguiba - Tunis
Guerre des Mercenaires
Parmi les troupes évacuées se trouvent 20 000 mercenaires avec leurs femmes, enfants et bagages auxquels Carthage doit plusieurs mois de solde malgré les promesses du Sénat de régler cet arriéré. De la menace, les mercenaires passent à la révolte ouverte. Cette terrible insurrection, appelée « la guerre inexpiable », fournit à Gustave Flaubert le sujet de son célèbre roman Salammbô (1862).
Marché central de Tunis
Spendios, le chef des mercenaires révoltés, conclut une alliance avec Mathos, chef des Libyens de l'armée, qui entraîne à sa suite 70 000 indigènes du territoire punique que les Carthaginois avaient durement traités pendant la guerre avec les Romains, exigeant d'eux d'énormes impôts en nature, en argent et en corvées. Mathos, Spendios et Autarite, chef des Gaulois, s'emparent de Tunis et font de cette place forte leur base d'opérations contre Carthage qui est isolée du continent. Toutefois, la grande cité avait emmagasiné des armes et des provisions en quantités suffisantes pour soutenir un long siège. Qui plus est, elle avait confié le commandement de ses troupes à Hamilcar Barca, habile général qui s'était couvert de gloire pendant les guerres de Sicile. Ce dernier inflige, sur les rives de la Medjerda, une cuisante défaite aux rebelles qui refluent vers Tunis puis attire le gros de leurs troupes, au nombre de 40 000, dans le défilé de la Scie, près de Zaghouan, et les extermine en totalité, y compris leurs chefs Spendios et Autarite. Il marche ensuite sur Tunis où Mathos s'est retranché à la tête d'un grand nombre de Libyens. Au cours du siège, ce dernier fait une sortie en force au cours de laquelle il attaque au nord de Carthage un lieutenant d'Hamilcar qui est pris et mis en croix avec trente nobles carthaginois. En apprenant cet échec, Hamilcar lève le siège de Tunis et part à la rencontre de Mathos qui recule jusqu'en Byzacène. Une bataille décisive a lieu à Leptis Minor , (actuelle Lamta) près d'Hadrumète (actuelle Sousse), au cours de laquelle les Libyens sont tués ou faits prisonniers tandis que leur chef pris vivant meurt dans les supplices.
Marché central de Tunis
Le rôle joué par Tunis durant la guerre des Mercenaires laisse penser qu'elle est alors « un des principaux centres de la race aborigène». Selon toute vraisemblance, le gros de sa population est alors constituée de paysans, de pêcheurs et d'artisans. Outre les Libyens, son peuplement primitif devait comprendre des Phéniciens, des métis et des esclaves dont les Carthaginois font commerce.
Marché central de Tunis
Des découvertes archéologiques témoignent par ailleurs de la pénétration de la langue et de la civilisation carthaginoise dans la ville berbère. Toutefois, en regard de la Carthage punique, l'antique Tunes reste d'une taille très modeste.
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Deuxième guerre punique
La deuxième guerre punique (218-202 av. J.-C.), durant laquelle s'illustrent notamment Hannibal Barca du côté des Carthaginois et Scipion l'Africain du côté des Romains, met à nouveau Tunis en évidence. Après sa victoire des grandes plaines, Scipion occupe Tunis abandonnée sans combat par la garnison punique chargée de la défendre. Ayant établi son camp dans cette ville, il part se montrer jusque sous les murs de Carthage pour frapper ses habitants de terreur et de découragement selon l'historien Polybe.
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À partir de Tunis, Scipion dirige une grande partie de la campagne d'Afrique (204-202 av. J.-C.). Après la défaite de Syphax dans les environs de Cirta, le Sénat carthaginois demande la paix et délègue trente de ses membres pour en discuter les conditions avec Scipion qui avait rejoint son camp à Tunis. Les sénateurs se présentent en suppliant devant le consul qui leur fait connaître les conditions de la paix. Les Carthaginois commencent à souscrire à ces conditions lorsqu'ils apprennent qu'Hannibal venant d'Italie avait débarqué à Hadrumète avec une partie de ses vétérans.
Marché central de Tunis
La reprise des hostilités devient inévitable et la trêve est donc rompue. La guerre se termine par la défaite d'Hannibal à la bataille de Zama (202 av. J.-C.). À son retour à Carthage, Hannibal conseille au Sénat de faire la paix sans tarder. Une nouvelle députation est envoyée auprès de Scipion qui avait rejoint Tunis après sa victoire de Zama. Le vainqueur fait connaître ses nouvelles conditions, beaucoup plus sévères que les premières, auxquelles Carthage doit souscrire. Après leur ratification par le Sénat romain, Carthage obtient la paix en abandonnant ses possessions en Espagne et une partie de ses possessions africaines au bénéfice de Massinissa. Elle ne peut faire la guerre sans l'autorisation de Rome, doit livrer sa flotte et payer une énorme indemnité de guerre.
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Une seconde théorie est défendue par l’essayiste, journaliste et historien tunisien Abdelaziz Belkhodja dans son livre «Hannibal Barca: l’histoire véritable et le mensonge de Zama» (Apollonia Editions - 4e édition 2018 pages 149 et suivantes). Celui-ci se base notamment sur des découvertes archéologiques récentes concernant la datation du fameux port militaire de Carthage, pour remettre en cause la réalité de la bataille de Zama.
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Belkhodja rappelle que les archéologues de la Mission britannique ont daté ce port du second siècle av.J.-C. Il a donc été construit entre 201 et 146, c’est-à-dire dans le dernier demi siècle de l’histoire de la Carthage punique, celui où, selon le traité de paix de 201, rapporté par Polybe, Carthage n'avait droit qu'à dix navires «longs»!
Marché central de Tunis
Et l’auteur de s’interroger : «Comment Carthage aurait-elle pu justifier-par rapport au traité de 201- la construction du dispositif militaire naval le plus puissant et le plus génial de l’Antiquité (il pouvait contenir jusqu'à 220 navires) si ce n'est par des intentions belliqueuses».
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Ainsi, Pour l’historien, la datation du port militaire remet en cause un élément fondamental de l'histoire de la seconde guerre punique : elle prouve que le véritable traité signé entre Rome et Carthage n'était pas consécutif à un armistice sans condition, mais qu'il devait davantage ressembler à un traité figeant le statu quo».
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Pour Belkhodja, si Carthage "s'est permis de construire, après la fin de la guerre, un port militaire aussi exceptionnel, c'est qu'elle en avait le droit. Ce qui remet en cause de façon très sérieuse la défaite d’Hannibal ». L’écrivain estime ainsi que « l'une des conséquences de la datation du port militaire est que le traité de 201, tel qu'il nous a été rapporté, ne peut qu'être une invention pure et simple de Polybe, car toute autre interprétation ne résiste pas à l’analyse ».
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Troisième guerre punique
Au cours de la troisième guerre punique (149-146 av. J.-C.), qui se termine par le siège et la destruction de Carthage, il n'est pas question de Tunis. Mais il est certain que Scipion l'Africain s'empare de cette place forte avant d'entamer la prise de Carthage. Il n'est pas exclu que Tunis oppose une certaine résistance car Strabon indique que les Romains détruisent Neferis, Tunis, Néapolis (actuelle Nabeul) et Clupea (actuelle Kélibia) en même temps que Carthage. Ils n'auraient pas rasé ces villes si elles s'étaient soumises comme l'avaient fait les autres cités puniques qu'ils épargnées.
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Cité romaine
De la destruction de Carthage par Scipion l'Africain à sa restauration sous le règne d'Auguste, il s'écoule une période de près d'un siècle et demi au cours de laquelle Tunis doit renaître de ses cendres. Sur son emplacement ne pesait pas, en effet, l'interdit absolu dont était frappé celui de Carthage. Elle aurait donc été reconstruite avant Carthage. Elle ne fait toutefois l'objet que de rares témoignages dont la table de Peutinger qui mentionne Thuni. Dans le système de voies de la province d'Afrique, elle n'a que le titre de mutatio (relais de poste). La ville latinisée est christianisée et devient le siège d'un évêché. Toutefois, même de très petites cités possèdent alors des évêques, cela n'indiquant donc pas la taille de la ville romaine. Tunes reste sans doute une modeste bourgade tant que Carthage existe.
Tunis - Les berges du lac
À l'abri de la Pax Romana, Tunis est sans doute repeuplée par des éléments néo-puniques. On sait qu'à l'exception des habitants de Carthage et de quelques autres villes, tout le reste de la population punique survit à la destruction de la grande cité et même prospère, fortement nouée au sein d'une civilisation qui lui est propre : la civilisation carthaginoise, c'est-à-dire la langue, les mœurs, les coutumes, les croyances religieuses et morales, les techniques et l'art de la vieille cité punique. Sous l'impulsion de cet ensemble culturel, la vie urbaine continue de se développer dans la province romaine, comme dans les royaumes indigènes qui l'entourent, et Tunis profite certainement de ces facteurs favorables pour se relever avec d'autant plus de facilité que sa situation géographique en fait, après la disparition de Carthage, l'un des principaux relais sur la route reliant Utique, alors chef-lieu de la province, à Hadrumète et aux Emporia.
Tunis - Les berges du lac
Vraisemblablement, en raison de sa proximité des lieux en cause, elle sert de résidence provisoire aux 3 000 colons, ou à une partie d'entre eux, que les Grecs ramènent de Rome en 115 av. J.-C. pour mettre en culture les environs de Carthage, tentative qui avorte en raison de l'hostilité du Sénat romain et de l'assassinat de ses promoteurs. Tunis voit sans doute défiler les légions de Jules César lorsque le dictateur, après sa victoire de Thapsus, prend le chemin d'Utique. S'arrêtant devant les ruines de Carthage, il note sur ses tablettes avec un sens aigu des nécessités présentes et futures : « Il faut rebâtir Carthage ». Il la fait mettre à exécution à son retour à Rome en 46 av. J.-C. mais c'est Auguste, son fils adoptif et successeur, qui la réalise complètement en donnant l'ordre de restaurer Carthage et d'en faire la capitale administrative de l'Afrique romaine.
Tunis - Les berges du lac
Tunis assiste donc à la construction de la Carthage nouvelle mais se réjouit de la résurrection de sa puissante voisine, à l'ombre de laquelle elle a toujours vécu, avec l'espoir de profiter de la prospérité générale. En apportant l'ordre et la paix en Afrique du Nord, les Romains font de l'Afrique proconsulaire l'une des plus riches provinces de l'Empire romain par son agriculture et son commerce. Un réseau routier bien entretenu permet de transporter les produits du sol vers les ports de la côte, notamment le blé et l'huile d'olive mais aussi des fauves vivants destinées aux jeux du cirque.
Tunis - Les berges du lac
Tunis, durant cette époque florissante, occupe primitivement le sommet de la colline de la kasbah et occupe au cours des siècles les pentes orientales, en direction du lac dont les eaux s'étendent à cette époque jusqu'aux abords de l'actuelle Bab El Bhar. Un prince vandale dénommé Gibamond fait édifier à Tunis, au début du VIe siècle, dans les parages du souk El Grana, des thermes publics splendidement décorés. Il est possible que la cité ait été fortifiée à l'époque byzantine car des savants pensent que les fondations et quelques assises de la muraille qui longe la sebkha Séjoumi appartiennent à l'enceinte antique. Dans l'intérieur du Dar El Bey subsistent trois arcades romaines d'ordre dorique, vestiges probables d'un théâtre romain dont l'emplacement était admirablement choisi pour le panorama qu'on y découvrait.
Tunis - Les berges du lac
Moyen Âge
La région est conquise par les troupes arabes menées par Hassan Ibn Numan au VIIe siècle. À défaut d'occuper Carthage, ouverte sur la mer et par conséquent détruite vers 695-698, les Arabes jettent leur dévolu sur le site de l'antique Tunes, en 699, et y établissent une modeste ville. En effet, la cité est pourvue d'une position privilégiée au fond du golfe, au carrefour des flux commerciaux avec l'Europe et son arrière-pays, bâtie à flanc de colline, protégée à l'est par un lac, au nord par les collines du Belvédère et de Ras Tabia, à l'ouest par la grande sebkha Séjoumi et au sud par les escarpements rocheux de Sidi Belhassen.
Avenue Habib Bourguiba - Tunis
Très tôt, Tunis joue le rôle militaire pour lesquelles les Arabes l'ont choisi : le traditionaliste et jurisconsulte Yahia Ben Said El Ansari, qui se rend en Ifriqiya sous le règne du calife ʿUmar II (717-720), déclare qu'il y entre ceint d'un sabre parce qu'il s'agit d'une « place-frontière »8. La ville est désormais la seule cité importante dans les parages du détroit de Sicile.
Dès les premières années du VIIIe siècle, le chef-lieu de district qu'est alors Tunis se voit renforcer dans son rôle militaire : barrer la route de la capitale de l'Ifriqiya, Kairouan, à un ennemi venu de la mer et porter des coups aux États chrétiens en attaquant leurs navires et en opérant des razzias sur leurs côtes. Devenue ainsi la base navale des Arabes en Méditerranée occidentale, Tunis prend une importance militaire considérable.
Aghlabides
Sous le règne des Aghlabides, l'Ifriqiya connaît une ère de prospérité sans précédent. Tunis profite de cette embellie et devient rapidement la deuxième cité du royaume. La Mosquée Ezzitouna est considérablement agrandie et sa réputation s'étend au-delà des limites de la ville. Devenue la capitale du pays à la fin du règne d'Ibrahim II (902), elle le demeure jusqu'en 909, date à laquelle des Berbères chiites prennent l'Ifriqiya et fondent la dynastie des Fatimides, puis redevient chef-lieu de district. La ville est durement éprouvée par l'insurrection kharidjiste menée par Abou Yazid dit « l'homme à l'âne ». En septembre 945, les insurgés occupent Tunis et la livrent au pillage et dévastent tous les souks. C'est alors que s'illustre le cadi et jurisconsulte Sidi Mahrez qui prend en main les destinées de sa ville saccagée et ruinée. Il dirige la reconstruction des remparts, organise les souks, créé le petit marché de Bab Souika et s'occupe de l'installation des juifs dans le quartier de la Hara.
Zirides et Khourassanides
Avec l'avènement de la dynastie des Zirides, divisée après la mort de son premier souverain en 983, Tunis gagne en importance. Toutefois, la population, restée sunnite, supporte de plus en plus mal le règne chiite et perpétue des massacres contre cette communauté. C'est pourquoi, en 1048, le Ziride Al-Muizz ben Badis rejette l'obédience fatimide et rétablit dans toute l'Ifriqiya le rite sunnite. Cette décision provoque la colère du calife chiite Al-Mustansir Billah. Pour punir les Zirides, il lâche sur l'Ifriqiya des tribus arabes dont les Hilaliens. Une grande partie de l'Ifriqiya est mise à feu et à sang, la capitale ziride Kairouan est détruite en 1057 et seules quelques villes côtières dont Tunis et Mahdia échappent à la destruction. Exposée aux exactions des tribus hostiles qui campent aux environs de la ville, la population de Tunis, qui ne reconnaît plus l'autorité des Zirides repliés à Mahdia, prête allégeance au prince hammadide El Nacer ibn Alennas, basé à Bougie, en 1059. D'après Ibn Khaldoun, « ce prince leur donna pour gouverneur un nommé Abdelhak ibn Abdelaziz ibn Khourassan ». Ce dernier, ayant rétabli l'ordre dans le pays, ne tarde pas à s'affranchir des Hammadides et fonde la dynastie des Khourassanides avec Tunis pour capitale. Le petit royaume indépendant renoue avec le commerce extérieur et retrouve la paix et la prospérité. La ville est alors embellie par de nouvelles constructions, dont un palais fortifié dans la partie haute de la ville, et les défenses extérieures sont renforcées ainsi que celles du port. Le témoignage du géographe arabe Al-Bakri, qui visite Tunis vers 1067, est assez éloquent :
« À Tunis, les bazars sont très nombreux et renferment des marchandises dont l'aspect remplit le spectateur d'admiration. On compte dans la ville quinze bains et beaucoup de caravansérails qui s'élèvent à une grande hauteur. Les portes de toutes les maisons sont encadrées de beau marbre […] Tunis est un grand centre d'études, on y cultive surtout la jurisprudence et plusieurs natifs de cette ville ont rempli les fonctions de grands cadis de l'Ifriqiya. Tunis est l'une des plus illustres villes de l'Ifriqiya et des plus riches en excellents fruits. »
Entre 1128 et 1148, les Hammadides reprennent le contrôle de la ville et y nomment un gouverneur.
Au cours des premiers siècles qui suivent sa fondation, Tunis est peuplée par une population hétérogène. Aux premiers groupes d'Arabes et de Berbères islamisés s'ajoutent progressivement des milliers d'immigrants venus du Maghreb, d'Europe et d'Asie. Mais c'est au début du XIIIe siècle que la ville connaît son mouvement migratoire le plus important.
Statue d'Ibn Khaldoun sur l'Avenue Habib Bourguiba - Tunis
Almohades
En 1159, Abd al-Mumin arrive en Ifriqiya et expulse les Normands de tous les ports (Gabès, Sfax, Sousse ou encore Kélibia) qu'ils occupent. Il s'empare de Tunis, destitue le dernier souverain khourassanide et installe à sa place un gouvernement almohade chargé de l'administration de toute l'Ifriqiya. La conquête almohade ouvre une nouvelle période dans l'histoire de Tunis. La ville, qui jouait jusque-là un rôle de second plan derrière Kairouan et Mahdia, se trouve promue au rang de capitale de province. La paix ne dure qu'un temps car un nouvel événement vient encore une fois bouleverser le destin de la cité.
Marché central - Tunis
À la fin du XIIe siècle, des princes almoravides, les frères Ali et Yahia ibn Ghania partis des îles Baléares, débarquent à Béjaïa et se lancent à l'assaut des villes de l'Ifriqiya. Ils occupent pendant un temps la ville de Tunis. En 1204, le calife almohade Muhammad an-Nasir libère l'Ifriqiya et rétablit l'autorité almohade. Dans Tunis, promue capitale de l'Ifriqiya, Muhammad an-Nasir installe comme gouverneur le cheikh Abd al-Wâhid ibn Hafs. En 1228, son fils Abû Zakariyâ Yahyâ s'empare du pouvoir et, un an plus tard, s'affranchit du pouvoir almohade, prend le titre d'émir et fonde la dynastie des Hafsides.
Marché central - Tunis
Hafsides
Avec l'avènement des Hafsides, elle devient la capitale d'un royaume s'étendant progressivement vers Tripoli et Fès. Pendant son règne, Abû Zakariyâ Yahyâ ne néglige pas l'embellissement de sa capitale qui voit alors sa population s'accroître — estimée entre 35 000 et 100 000 habitants — et ses activités se diversifier. À la ville primitive s'ajoutent au nord et au sud d'importants faubourgs enserrés par une deuxième enceinte entourant la médina, la kasbah et ces faubourgs.
Tunis - Les berges du Lac
Selon Ibn Khaldoun :
« La prospérité de Tunis fut portée au plus haut degré et les habitants jouissaient d'une aisance sans exemple. On y rechercha le luxe dans les habillements, les équipages, les maisons, les meubles et les tentes. L'on rivalisa d'efforts pour rebâtir, restaurer et améliorer, on avait même atteint à la dernière limite de la perfection quand on entra dans une nouvelle époque, celle de la décadence. »
Statue d'Ibn Khaldoun - Av Habib Bourguiba - Tunis
Les sultans qui se succèdent au pouvoir multiplient en effet les fondations pieuses (mosquées, médersas et zaouïas), entreprennent des travaux d'utilité publique, construisent des résidences fastueuses et renforcent la défense de la ville par la construction d'une nouvelle kasbah et de nouveaux remparts.
Tunis - Les berges du lac
En effet, Tunis se retrouve prise dans la huitième croisade : Louis IX, espérant convertir le souverain hafside au christianisme et le dresser contre le sultan d'Égypte, s'empare facilement de Carthage mais son armée est rapidement victime d'une épidémie de dysenterie. Louis IX lui-même en meurt le 25 août 1270 devant les remparts de la capitale. Dans le même temps, chassés par la reconquête espagnole, les premiers Andalous arrivent à Tunis et vont participer activement à la prospérité économique et à l'essor de la vie intellectuelle dans la capitale hafside. Par ailleurs, l'université Zitouna devient l'un des principaux centres d'enseignement du monde islamique.
Médina de Tunis
La reconquête de l'Espagne musulmane par les souverains catholiques entraîne le départ volontaire ou forcé de plusieurs milliers de personnes qui choisissent de s'installer dans les villes du Maghreb dont Tunis. Ces nouveaux immigrés apportent avec eux de nouvelles techniques industrielles, artisanales et agricoles et contribuent ainsi au renouveau culturel et artistique de la capitale.
Médina de Tunis
Cette immigration atteint son apogée au début du XVIIe siècle. Si la plus grande partie de la population est alors musulmane, il existe néanmoins deux groupes non musulmans : les juifs et les chrétiens. Persécutés sous les Almohades, ils sont tolérés sous les Hafsides et intégrés dans le tissu économique — métiers de la banque, orfèvrerie, commerce avec l'Europe ou encore rachat d'esclaves chrétiens — pour les premiers et l'armée pour les seconds.
Médina de Tunis
Au cours du XVIe siècle, la Tunisie est l'un des principaux théâtres où s'affronte la monarchie espagnole et l'Empire ottoman. Sous leur règne respectif, la capitale hafside traverse plus d'une épreuve dont souffrent ses ouvrages défensifs, ses monuments et ses quartiers d'habitation.
Porte de France - Bab Bhar
Ainsi, les troupes ottomanes, sous la conduite de Khayr ad-Din Barberousse, se présentent devant Bab El Jazira le 18 août 1534 et livrent la ville au pillage. Charles Quint, appelé à la rescousse par les dirigeants européens menacés par l'avancée ottomane en Méditerranée, prend la ville le 6 août 1535 et rétablit le souverain hafside. Lors de leur occupation partielle du pays, les Espagnols élèvent à grands frais de puissantes citadelles à La Goulette et Tunis, abolissent l'esclavage et rétablissent la liberté de commerce et de culte pour les chrétiens.
Porte de France - Bab Bhar
Après avoir échoué devant Alger en 1541, les chrétiens doivent progressivement abandonner leurs possessions au Maghreb. Face aux difficultés rencontrées par les Hafsides, le régent d'Alger, Uludj Ali, à la tête d'une armée de janissaires et de cavaliers tribaux kabyles et arabes, reprend Tunis en 1569. Toutefois, à la suite de la bataille de Lépante en 1571, les Espagnols parviennent à reprendre la ville et rétablissent le souverain hafside. Les derniers combats qui mettent aux prises Espagnols et Ottomans entraînent de nouvelles destructions : c'est une cité à demi ruinée qui tombe finalement aux mains des Ottomans de Sinan Pacha en septembre 1574. Mais les nouveaux maîtres de la Tunisie remettent bientôt en état ce qui a été détruit : d'anciens monuments sont restaurés, d'autres sont élevés et la ville retrouve un nouvel éclat. Elle n'en conserve pas moins, dans ses grandes lignes, la structure qu'elle avait au temps des sultans hafsides.
Médina de Tunis
Époque moderne
Devenu une province ottomane gouvernée par un pacha nommé par le sultan ottoman basé à Constantinople, le pays ne tarde pas de accéder à une certaine autonomie (1591). Sous le règne des deys puis des beys mouradites, la capitale prend un nouvel essor : sa population grossit grâce à de multiples apports ethniques, dont les Maures chassés d'Espagne, et les activités économiques se diversifient.
Aux industries traditionnelles et aux échanges avec les pays lointains s'ajoute la course qui connaît alors son âge d'or. Les profits assurés par le rachat des esclaves chrétiens permettent également aux souverains d'élever des constructions fastueuses qui renouvellent la parure monumentale héritée du Moyen Âge. Ainsi, au cours du XVIIe siècle, de nombreuses mosquées sont élevées, comme la mosquée Youssef Dey, la mosquée Hammouda-Pacha et la mosquée Sidi Mahrez, tout comme de nouvelles médersas telles la médersa Andaloussiya et la médersa Mouradiyya. Avec l'arrivée des Ottomans, près de 4 000 janissaires s'installent à Tunis en provenance d'Asie Mineure, en particulier de Smyrne, de même que des Turcs et des Européens convertis à l'islam se consacrant pour une bonne part aux métiers de la marine et de la course.
Médina de Tunis
Avec leur intégration apparaît le groupe des Koulougli (nés de mariage entre Turcs et femmes autochtones) qui accède rapidement aux plus hautes fonctions militaires et politiques. Tous les groupes de populations aux origines diverses n'ont pas à proprement parler de langue commune. Ils communiquent entre eux par un dialecte où se mélangent des mots français, italiens et arabes. Entre eux, ils utilisaient leur langue propre : arabe dialectal, espagnol, turc, français, sicilien, calabrais, judéo-arabe, etc.
Autonomie sous les Husseinites
Au début du XVIIIe siècle, la Tunisie entre dans une nouvelle période de son histoire avec l'avènement de la dynastie husseinite. À cette époque, Tunis conserve la structure qu'elle avait déjà au XVIIe siècle. Les voyageurs de l'époque décrivent « ses maisons à terrasse s'étageant sur les pentes d'une modeste colline, la citadelle qui en couronne le faîte, les deux enceintes qui la défendent : la première enveloppant la médina centrale, la seconde enveloppant les deux faubourgs qui la flanquent au nord et au sud ». Dans ce cadre, de multiples initiatives émanant des princes se succédant au pouvoir ou de hauts dignitaires apportent de nombreuses retouches urbaines (mosquées, zaouïas, fontaines, etc.) qui renouvellent et enrichissent la parure monumentale de la ville.
Médina de Tunis
En 1724, Peysonnel signale le développement de l'industrie de la chéchia ainsi que l'augmentation des exportations de blé, de dattes, de cuir et de cire. La population de la ville, estimée à environ 100 000 habitants vers 1780, est affectée par trois épidémies de peste (1784-1785, 1794 et 1818-1820) et ne dépasse guère 80 000 habitants vers 1830. Durant cette période, la ville prospère à nouveau comme centre de commerce mais aussi de piraterie jusqu'au XIXe siècle, période durant laquelle sa population est évaluée, selon les différentes sources, sur une échelle allant de 90 000 à 110 000 habitants. Profitant des dissensions internes à la dynastie, les Algériens s'emparent de Tunis en 1756 et placent le pays sous tutelle.
Médina de Tunis
Au début du XIXe siècle, Hammouda Pacha doit faire face aux bombardements de la flotte vénitienne mais réussit à se défaire de la tutelle algérienne et dissout la milice des janissaires après une révolte en 1811. Sous le règne de Hussein II Bey, les victoires navales des Anglais (1826) et des Français (1827) mettent fin à la course, privant le pays des revenus en découlant. Pendant le demi-siècle qui va de la conquête de l'Algérie au traité du Bardo, la ville de Tunis se transforme en s'ouvrant plus largement aux influences de l'Occident dans un contexte d'aggravation de la situation financière du royaume. Des colonies européennes, de plus en plus nombreuses chaque année, viennent grossir la population tunisoise. Dès 1857, le consul de France, Léon Roches, obtient de pouvoir construire son consulat hors des murs sur la future avenue de la Marine.
En conséquence, l'organisation spatiale de la ville est remise en cause par les premières démolitions des remparts, à partir de 1860, et l'ouverture des portes dès 1870. La cité s'étend dès lors hors de ses murs, entre la médina et les rives du lac, pour accueillir les nouvelles populations et reçoit les premiers équipements modernes en matière d'adduction d'eau (1860), d'éclairage au gaz (1872), de voirie, de l'enlèvement des ordures ménagères (1873) ainsi que de communications avec la proche banlieue et l'arrière-pays.
Médina de Tunis
En marge de l'artisanat et du commerce traditionnels qui déclinent, les nouveaux venus développent les échanges avec l'Europe, introduisent les premières industries modernes et acclimatent ainsi sur les marges de la cité arabe de nouvelles formes de vie urbaine. Durant longtemps, l'administration de la capitale relève d'une organisation coutumière : il revient au Cheikh El Médina, assisté de deux cheikhs à la tête des faubourgs de Bab El Jazira et de Bab Souika, de servir les intérêts de la cité. Avec le concours de divers chefs de quartiers, ils répartissent et perçoivent les contributions auxquelles la population est soumise, veillent à l'entretien des rues, à l'enlèvement des ordures ménagères, au curage des égouts et à la sécurité de la ville. Sous le règne de Mohammed Bey, une importante réforme voit le jour. Par le décret du 30 août 1858, la capitale est érigée en municipalité avec un Conseil municipal de douze membres choisis par les notables.
Médina de Tunis
L'homme qui est à la base de la création de cette institution est le général Husseïn. Cependant, la vieille organisation ne disparaît pas complètement et les trois dirigeants coutumiers continuent de veiller au sort de leur secteur. En 1860, le général Husseïn est nommé gouverneur de la capitale et président de la municipalité.
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